Intrigant le travail de l’artiste allemand Steffen Kern ! Au premier regard ses œuvres sont associées à des prises de vue en noir et blanc, à des séquences de film. Tout les éléments qu’il conjugue avec subtilité dans son travail relève d’un regard photographique : cadrage, flou, rayures, imperfections du grain, photogramme… Et c’est là, la puissance de son geste, d’un véritable geste artistique : ces œuvres ne sont pas des tirages, elles sont élaborées au fusain, à l’encre ou au crayon et révèlent une maîtrise parfaite, celle de la technique du dessin.

Le spectateur fait partie intégrante du monde de l’artiste. Une fenêtre, un intérieur déserté, une cabane isolée, autant de sujets   ordinaires et qui en même temps possèdent une esthétique au caractère scénique et presque artificiel. Dépourvu de personnage, l’homme est cependant présent dans toutes ses compositions, comme en témoignent la télévision allumée ou cette porte entrouverte.

Ce travail de haute précision nous entraîne dans un insensible glissement entre sentiment de déjà-vu et un univers à la familiarité étrange, placés que nous sommes tantôt dans et tantôt hors de l’image, tel le voyeur malgré lui de « Fenêtre sur cour ». Les réalisations de Steffen Kern sont propulsées hors de son imaginaire comme des visions. Il puise son inspiration sur les écrans de sa mémoire où lectures, scènes de film et souvenirs se mélangent. Mais l’artiste ne reconstruit rien, il ne crée aucune copie, il nous rappelle juste que tout décor, aussi ressemblant soit-il, est toujours et avant tout une scénographie et une réinvention. Steffen Kern nous trompe tout en nous révélant une vérité, une vérité absolue : la réalité est constituée de fragments de fiction.

Bienvenu dans le monde dystopique de Steffen Kern !

Alexandra Chiari