L’œuvre de l’artiste Jean-Pierre Ardito dialogue intensément avec la photographie et interroge l’effet qu’elle produit sur chacun de nous. Mais à l’endroit où la photographie classique sublime et révèle les présences, ses peintures installent le doute. L’image se défait au lieu de se construire et ce malgré la familiarité des motifs qui évoquent tantôt des vacances estivales, tantôt une promenade en forêt, elle brille de ses imprécisions. Les contours sont estompés, les couleurs délavées et le regard écarquillé par l’absence de netteté comme celui que nous posons devant une photographie floue et surexposée. Telle une glace au soleil, l’image semble fondre dans des flaques de couleurs.

Cette perception nébuleuse est amplifiée par une utilisation audacieuse et radicale de la lumière. Des zones indéfinies d’une blancheur quasi aveuglante transpercent ses toiles d’où surgit un sentiment de vertige, tout à la fois étrange et familier. II pourrait s’agir d’une remémoration vague, incertaine, dont les éléments ont été en partie aspirés par l’oubli. L’accès direct ne nous est pas autorisé et c’est ainsi par fragments que chaque toile, comme autant d’instantanés, peut se développer. D’abord pâles et incomplètes, ces scènes s’imposent bientôt avec l’éclat des souvenirs perdus et un instant retrouvés. La force des créations de Jean-Pierre Ardito est ainsi de nous interroger sur la fragilité et l’impermanence de notre mémoire.

Alexandra Chiari